Réussir ou éviter les pièges dans la musique

[oudini]

Bonjour à tous et toutes,

voici une occasion via ce petit topic d'échanger nos expériences respectives. Si certains ont échoué (comme moi par exemple), d'autres sur le forum ont eu une carrière brillante et pourront certainement donner quelques tuyaux pour ne pas tomber dans les pièges qui jonchent le milieu de la musique. Alors à vos claviers m'sieurs dames !!

[oudini]

J'ouvre le bal !

j'ai commencé très jeune à étudier le piano (ou plutôt j'ai été contraint et forcé de me mettre au clavier pour ne pas avoir à jouer au foot ou trainer dehors lol). Mission réussite quelque part car j'ai passé la plus grande partie de mon temps à faire de la musique. Après avoir passé pas mal d'année sur les bancs d'institutions parisiennes connues, autant dire qu'une fois mes diplômes en poche, bah j'étais pas beau à voir une fois la porte franchie pour la dernière fois.

J'ai participé à différents projets (enfin si l'on peut appeler ça comme ça lol) mais qui n'ont rien donné. En même temps je donnais des cours de piano / solfège et écriture à différents étudiants (de jeunes pianistes ou encore des étudiants qui par exemple étudiaient l'harmonie). Mais alors que je pensais pouvoir m'insérer dans une sorte de système qui me permettrait de faire mes preuves en travaillant sur de petits projets sans prétention, et bien comment dire... ça n'est jamais arrivé malgré un déploiement d'efforts considérables.

Hélas, point de Net à l'époque ou plutôt un modem 56k qui finissait par vous couter un bras en facture téléphonique lol Au final, et après quelques années à essayer de vivre décemment de la musique, j'ai repris mes études pour me lancer dans la filière informatique. Conscient de ne pas être certainement assez digne pour écrire de la musique de supermarché, c'est aujourd'hui une page qui s'est tournée mais avec quand même quelque regret et une réalité de la vie qui m'aura finalement fait retomber rapidement sur terre.

Si seulement j'avais passé tout ce temps sur les bancs d'une fac de médecine, je pourrais au moins me payer une SSL flambante neuve avec le Steinway qui irait avec lol Mais le destin c'est le destin et on ne se bat pas contre ce qui est écrit

Si je devais retenir une chose et une seule de ma petite expérience personnelle, c'est finalement d'avoir constaté à regret que les musiciens les moins talentueux sont souvent les moins prompts à s'ouvrir et à partager leur passion. J'ai une affection toute particulière pour ce petit dicton qui dit que "ce qui n'est pas partagé est perdu". Quelque soit leurs capacités et leurs niveaux, l'essentiel se trouve dans la communion qui peut exister entres les artistes. Garder ce que l'on sait pour soi, c'est se faire du tort à soi-même et mépriser ceux qui nous ont accompagné tout au long de notre parcours éducatif.

[Mezik]

Vaste sujet que celui ci…

Par où commencer…
Qu'est ce que ça veut dire réussir avec un grand R ?
Tout d'abord il faut savoir que le nombre de musiciens vivant "complètement" de leur musique, je veux dire de leur création en tant que compositeur, et adhérent à la SACEM n'est que de 20% ! Les autres sont profs, vendeurs, techniciens, copistes,intermittents du spectacle et musiciens en plus.
Ces chiffres sont à vérifier et à préciser mais je les ai lus il y a quelques temps dans une revue spécialisée, donc ne pas se faire des illusions sur devenir "Rock Star" Premier piège !
Je crois que la première chose à faire dans ce métier c'est apparaître, quoi qu'il arrive et rester humble car on est pas tous des génies ! Deuxième piège  
Et puis je te trouve un peu dur avec toi même Oudini parce que, à ta manière, à travers ce site , tu sers la musique et les musiciens d'une façon formidable… voilà c'est dit  
A bientôt et surtout gardez la foi dans votre passion !

[oudini]

Il est vrai qu'en France être musicien n'a jamais été considéré un métier à part entière. Je me souviens qu'un jour une personne a demandé à un ami ce qu'il faisait dans la vie. Il répondit "musicien", et la personne en face lui rétorqua: "oui mais comme métier?". ça en dit long sur ce qui se passe ne France. Bizarrement, dès que l'on passe la Manche, les anglais ont une toute autre appréciation de notre passion à tous et toutes.

Surement ce qui explique que des courants musicaux aient pris leur essort outre manche ou encore outre-atlantique.

[Mezik]

À l'époque où ces courants musicaux sont apparus ils ont bénéficié d'un maillage de pubs qui offraient dans toute la Grande Bretagne des scènes où les musiciens pouvaient se produire ceci à beaucoup bénéficié à l'essor de la scène anglaise… et puis n'oublions pas la proximité linguistique…

[oudini]

À l'époque où ces courants musicaux sont apparus ils ont bénéficié d'un maillage de pubs qui offraient dans toute la Grande Bretagne des scènes où les musiciens pouvaient se produire ceci à beaucoup bénéficié à l'essor de la scène anglaise… et puis n'oublions pas la proximité linguistique…

Oui tu as raison, outre la musique, les anglo-saxons ont toujours su mieux se vendre.

[modigliano]

Hello,

C’est vrai que c’est un vaste sujet.
Je pense pour ma part qu’il y a plusieurs facteurs pour une “réussite” dans ce métier incertain.
Le facteur “travail”  ( de son instrument ou de ses compositions ) le facteur “talent”, le facteur “opportunité”, le facteur “chance” et le facteur “relation” ( ou réseau )
Le pourcentage de chaque facteur est variable…
Pour ma part, j’ai beaucoup travaillé mon instrument, j’ai embrassé à pleine bouche la MAO dès sa sortie et j’ai eu la chance de rencontrer la bonne personne et cette “bonne “ personne m’a fait rencontrer d’autres “bonnes personnes”  ( pour le talent, ce n’est pas à moi d’en juger      )
Nous sommes à l’ère du multi-média où la musique est omni présente et je crois que les opportunités existent toujours pour tout compositeur . Par exemple, les librairies musicales ( ce qu’on appelait avant “la musique au mètre" ) sont en recherche permanente de musique.
Pour peu qu’on ait un home studio, des banques de sons de qualité et un peu de savoir faire on peut faire écouter sa musique à ces sociétés de plus en plus nombreuses et caser pour commencer un morceau ou deux sur des projets et ça peut faire boule de neige… Je participe régulièrement à des projets pour des librairies musicales et j’ai une centaine de morceaux qui sont synchronisés sur des documentaires, pubs, et divers supports.
Il est sûr que le doute est toujours présent et qu’il faut du courage, de la ténacité, des soutiens pour continuer à composer ou à jouer, et ce n’est jamais facile. J’ai toujours toujours une appréhension en ce qui concerne l’avenir bien que je sois sociétaire définitif de la Sacem. On a peur que le téléphone ne sonne plus, il faut assurer l’avenir des enfants etc, etc…
C’est vrai qu’il faut savoir garder la foi, ne pas hésiter à inonder les producteurs, sociétés de productions etc, avec son travail.
Et garder en tête “ The show must go on “ et pour que le spectacle continue on aura toujours besoin de musique.  

[oudini]

Tu as raison Modigliano et en ce qui concerne le talent je pense que nous avons tous été unanimes quand à la qualité de ton travail C'est toujours réussi ! Ce que je regrette c'est qu'une fois "le métier en main", on se retrouve livré à soi-même. Une fois la porte du conservatoire ou de toute autre école, et bien c'est comme si on te lâchait en pleine jungle et qu'on te dit: il faut arriver ici sans carte, ni couteau, ni bouteille d'eau lol

J'ai vécu longtemps psychologiquement cette traversée du désert et autant dire qu'elle aura laissé des traces (peur de la précarité, peur du lendemain, les fameuses 507h de l'intermittent, etc..Etc..). Je pense finalement que je n'étais surement pas fait pour ce métier car c'est un peu comme dans l'arène: seuls les plus forts survivent... et les plus faibles meurent.

[logreco]

Hello Houdini,

la question est difficile, il faut déjà s'entendre sur l'expression réussir dans la musique.
Il y a beaucoup de métiers dans la musique: compositeur, auteur, arrangeur, instrumentiste, soliste, accompagnateur, directeur etc.
Le signe de la réussite c'est l'argent gagné, la reconnaissance de la part des autre musiciens, la popularité prés du publique?
Si je prend mon cas personnel, même si  çà devienne toujours plus difficile d'en vivre décemment, et je me pose des questions comme toi, à l'aube des mes cinquante ans je peut dire çà:
coté argent, j'ai pu en vivre jusqu'ici, sans excès, en élevant un enfant, je n'ai pas acheté de maison, c'est une réussite?
coté reconnaissance, il y a des musiciens, quelqu'uns, qui me l'expriment, ils sont assez pour une réussite?
coté popularité pas de foule, mais parfois à la fin d'un concert, des personnes sentent le besoin de m'exprimer leur gratitude, assez pour une réussite?
Alors réussite ou pas? Selon certains oui peut-être, selon d'autres non.
Dans mon cas personnel d'instrumentiste, beaucoup de travail, beaucoup de renonces, de la chance pour rencontrer les bonnes personnes, encore du travail pour garder les bonnes rencontres, une mise à disposition sans réserve, surtout dans mon cas d'instrumentiste accompagnateur, être ponctuel au rendez-vous, savoir se taire, savoir l'ouvrir au besoin, etc...
Pour le reste la lecture du post de Modigliano est très instructive.
Donc c'est un métier qui demande des renonces, beaucoup de travail, une certaines vision incertaine de l'avenir, une vie familiale avec beaucoup d'ajustements, donc pas pour tous, j'ai connus beaucoup de musiciens très doués qui ont renoncé à en faire une profession à cause de tout cela.
J'ajouterai que dans tous les cas faut garder le plaisir d'en faire, de n'arrêter jamais d' essayer de découvrir des nouvelles choses, comme je disait une fois à ma fille, mon plus beau rêve quand je dors, ce celui ou je vole, tout simplement, juste en me élançant dans les airs et cette sensation, dans la réalité, je la retrouve, parfois, seulement en jouant de la musique.
Enfin, je considère plus réussi un musicien amateur motivé par sa passion qu'un professionnel blasé par son métier.

@++

[modigliano]

C'est vrai que le sens du mot "réussite" est très large.
Pour moi, en dehors du fait que j'arrivais à payer mes factures avec mon travail de compositeur, c'est la reconnaissance de mon père, militaire de carrière qui voulait que je fasse comme lui ( bon j'ai fait quand même 5 ans dans l'armée de l'air pour le satisfaire ). Et deux décennies après avoir quitté l'uniforme ( à son grand regret ), je n'oublierai jamais sa tête quand je lui ai montré ma "médaille" de sociétaire définitif ( les médailles ont beaucoup d'importance pour les militaires ). Ce jour là, j'avais "réussi" pour lui...